
En 2015, Toshiba a fêté ses 100 ans. En 2017, c’était Nikon qui devenait elle aussi centenaire. Et en 2018, Panasonic. Comment font donc ces entreprises japonaises pour durer plus d’un siècle, tout en restant a la pointe de la technologie ? Ces entreprises centenaires sont en effet emblématiques du rayonnement technologique du Japon dans le monde ! Dans un article paru le 10 septembre 2018 dans L’Opinion, Emmanuelle Ducros nous révèle les secrets de longévité de ces entreprises centenaires de la tech japonaise…
Selon Emmanuelle Ducros, il y a trois grands principes qui expliquent que les entreprises japonaises vivent beaucoup, beaucoup plus longtemps que la plupart des start-ups européennes :
Tout d’abord, pas de “culture de l’aventure”. Au Japon, l’esprit de l’entrepreneur rime moins avec audace qu’avec prudence. C’est toute une culture de la gestion du risque dans le business au Japon qui contraste fort avec les entreprises occidentales et plus particulièrement les start-ups, dont la durée de vie excède rarement 2 ans… Le principe consiste donc a se concentrer autour d’une “colonne vertébrale” clairement identifiée, et s’y tenir. Ne pas “pivoter” a tout va, ne pas chercher a innover pour innover, mais faire ce que l’on sait faire, et continuer de bien le faire, tant que cela répond a un besoin de la part des clients. Panasonic, qui était a l’origine une petite manufacture d’ampoules, a très lentement évolué vers les climatisations, mais seulement lorsque sa première spécialité etait parfaitement consolidée. Bref, pas de précipitation ! De même que pour Nikon, qui se concentre sur “la lumière et ses déclinaisons”, et rien d’autre ! Ces entreprises ne cherchent donc pas a “révolutionner” ou “disrupter” leur secteur. Elles se concentrent d’abord sur un métier souvent basique, et très clairement identifié.
Deuxième principe : cultiver le long terme. Ne pas se laisser pieger par une actualité trépidante, qui nous détourne en réalité des objectifs essentiels. Ne pas subir la pression de la bourse, des chiffres et des rapports annuels. Cultiver une vision de long voire très long terme, a la différence d’aventures certes existantes, mais souvent trop courtes, non pérennes. Cela passe par exemple par un budget conséquent pour la R&D, comme Nikon qui y consacre 10% de son chiffre d’affaires annuel (c’est plus que chez Apple !). Benoit Dieuleveult explique par exemple que “si les consommateurs sont fidèles a Nikon, c’est aussi parce qu’ils savent que les produits seront compatibles d’une génération a l’autre. Nous refusons de les frustrer en leur faisant acheter sans cesse des nouveautés.” Au fond, le secret de Nikon, c’est de vendre “confiance, stabilité, fiabilité”. Quelles marques peuvent en dire autant ? Très peu, finalement… Sur son blog, Lionel Dricot écrivait un article saisissant a propos du gaspillage marketing de la nouveauté, en nous invitant a faire “l’expérience du tupperware”... Contre ce genre d’aberration, le secret de longévité des entreprises centenaires, c’est donc de penser et concevoir leurs produits comme “intemporels”, pouvant se transmettre (et se réparer!) de génération en génération. A méditer par tous les adeptes de la mode et de la nouveauté !
Enfin, troisième principe, qui se combine tout naturellement avec les deux premiers : adopter une philosophie Zen… Qu’est-ce que cela veut dire en pratique, notamment dans la gestion d’un business ou d’une entreprise ? Cela revient notamment a ne jamais surréagir. Accepter la répétition. Benoit Dieuleveult explique par exemple que “l’art japonais aime a reproduire le même geste technique jusqu’a la perfection”. Alors qu’en Europe, on se lasse vite. Le tempérament “révolutionnaire” des Français fait que l’on veut souvent tout retourner, tout bouleverser, on craint l’ennui, la répétition est mal vécue, souvent comme une punition ! De même, les grands patrons occidentaux aiment les coups d’éclat, se mettre en avant, faire des annonces fracassantes. Steve Jobs nous a habitué au style du “patron star”. Au Japon, par contre, les grands patrons se font plus discrets, pas forcement plus humbles, mais le management s’efforce d’incarner stabilité et résistance.
Eric Novel rappelle que “Panasonic repose sur un solide socle de valeurs, de responsabilité sociale, de respect des clients et des fournisseurs.” Cela évite de nombreux litiges, et donc les procès qui peuvent en découler et le cout de ces procès. Au final, tout le monde est gagnant, a commencer par l’entreprise. S’accorder sur un socle de valeurs très fort et developper une culture d’entreprise puissante et a toute épreuve est donc tout aussi important que la vision même de l’entreprise et ses produits. Les start-ups peuvent en prendre de la graine ! Tous ces principes sont a garder en tête, notamment pour ceux qui veulent lancer ou créer leur entreprise au Japon.