Les Japonais ont la réputation d’être très “carrés”, particulièrement soigneux et méticuleux. S’il s’agit bien sûr d’un stéréotype, la rigueur fait néanmoins partie de la culture nationale et de l’image que les industriels japonais cherchent à donner à l’extérieur. Il suffit de prendre l’exemple du constructeur automobile Toyota. Aucun autre concepteur de véhicules n’égale ses tests de recrutement. Épreuves de maths, logique et mécanique, répétition d’une procédure particulière, entretien de motivation,… Le groupe ne laisse rien au hasard. Chaque étape est éliminatoire. Cette recherche constante de l’excellence est une des marques de fabrique des industriels japonais. On comprend alors mieux la place d’un art tel que l’origami dans la culture nippone.
L’origami, une histoire qui se déplie sur près d’un demi-siècle
« Origami » vient du japonais « oru » (plier) et de « kami » (papier). L’objectif de cet art est donc de plier du papier. Pourtant, l’activité en elle-même a un rôle plus important dans la tradition japonaise puisque depuis plus de 400 ans, les mères de famille nippone enseignent à leurs enfants les techniques de pliage. La technique daterait de l’ère Edo (1603–1867). Il s’agit d’une activité considérée comme très utile. Et pour cause, elle permet d’apprendre la rigueur, la patience et la dextérité tout en développant la créativité. Traditionnellement, le papier de pliage utilisé est le washi mais tout le monde sait que les origamis peuvent aussi se concevoir avec du papier classique. Si cette matière a été mise au point à partir d’écorces de mûrier vers l’an 100 par les chinois, elle n’a été introduite au Japon que cinq siècles plus tard par un prêtre bouddhiste.
Démocratisation d’un art traditionnellement dédié aux classes les plus aisées
A l’époque, le papier était une matière très onéreuse, ce qui faisait de l’origami un art pratiquement réservé aux classes hautes. Il était essentiellement employé lors de cérémonies ou de rituels mais les règles strictes qui régissaient son exercice n’étaient transmises que par un maître. Les origamis servaient en particulier à décorer des cruches de saké pour des cérémonies religieuses. Lors d’un mariage, ils pouvaient également représenter deux papillons (ocho pour le mâle et mecho pour la femelle) qui étaient alors fixés autour du goulot de deux cruches de saké, chaque papillon représentant un des deux époux. Pour reconnaître l’union sacrée des deux êtres, la tradition voulait qu’on pose ensuite un papillon sur l’autre et qu’on mélange le contenu des deux cruches. Même si ces rituels existent encore aujourd’hui, le papier est devenu nettement moins cher. L’origami s’est donc développé comme un art populaire.
Le pliage est une activité très sérieuse. Trois ouvrages en particulier le prouvent. Le Senbazuru-origata et le Chushingura-origata ont tous deux été publiés en 1797 et décrivent des techniques de pliages pour obtenir par exemple des grues reliées entre elles. Le Kan-no-mado quant à lui a paru en 1845 et pourrait être l’équivalent d’une encyclopédie manuscrite dont deux tomes concernent le pliage. Si réaliser un avion en origami est relativement facile, le crabe est lui réputé pour ne pas être fait pour les débutants. Muzukashii desu (c’est difficile)…
Photo : Jack Lyons